À propos de la création de Nancy :
L’amauti rouge devrait représenter un apaisement du deuil que tout le monde traverse. Il devrait aussi représenter des condoléances envers les personnes qui ont perdu un proche. L’amauti rouge permet aux Canadiens de se souvenir de ces proches qui nous ont quittés et de leur rendre hommage. Mais cette initiative devrait aussi s’adresser au reste du monde. De plus, l’amauti était le seul vêtement que pouvaient utiliser les femmes.
Le patron que j’ai choisi est celui que nous utilisons en tant qu’Inuites de l’intérieur depuis des temps immémoriaux. C’est le premier style et le premier patron que j’ai vu et avec lequel j’ai grandi. Nous ne connaissions pas les patrons d’amautis des autres femmes inuites, car nous étions des Inuites de l’intérieur. Nous ne connaissions pas les styles d’amautis de la côte et des autres régions. Cet amauti est orné de franges, de motifs personnalisés suspendus à l’avant comme à l’arrière, et d’un capuchon, qui permet de porter un bébé.
Partout dans le monde, chaque communauté a perdu des êtres chers. Ces personnes ne sont jamais revenues. Nos aînés nous ont enseigné à ne pas trop nous inquiéter, à être brave, à faire preuve de résilience et à essayer de vivre sans stress excessif pour favoriser notre santé mentale et notre bien-être. L’amauti rouge montre que notre sang est source de vie, témoigne de la volonté de vivre une vie meilleure et confirme que la résilience est au cœur de notre existence.
À propos de Nancy Pukinaq Aupaluktuq, Baker Lake, Nunavut
Je suis née le 28 avril 1948 dans un village nommé Aaruannuaq. Il est situé près de Gjoa Haven, entre ce village et la région de Back River. Dans notre campement d’igloos (sur le territoire), les vêtements en peau de tuktu (caribou) étaient confectionnés d’une manière qui nécessitait un nettoyage et un grattage adéquats des peaux, afin que les vêtements soient doux et correctement préparés. Plus jeune j’ai dit que je souhaitais me procurer un atigi (manteau), car j’enviais les personnes qui portaient ce genre de vêtement. Je ne me souviens pas de l’âge que j’avais, mais on m’avait dit que pour en avoir un, je devais préparer la peau moi-même (nettoyage, grattage et ramollissement). J’ai placé la fourrure de tuktu contre ma peau et je me suis endormie. Au petit matin, on m’a dit de l’enlever, ce que j’ai fait. J’ai constaté qu’il faisait très froid sans celle-ci. Ensuite, on m’a dit que je devais gratter la peau (la partie intérieure du tuktu) en utilisant de l’eau pour l’assouplir pendant le processus. Ensuite, Uunaq (ma mère) m’a fait une démonstration en découpant le patron sur la moitié de la peau de tuktu. Je devais m’occuper de l’autre moitié comme elle me l’avait montré. Je pense que j’avais moins de 10 ans à cette époque. C’était le premier atigi (manteau) que j’ai confectionné, et je n’ai jamais oublié comment le faire, car j’avais peur de faire une erreur et de ne pas découper le patron correctement. Je crois que cette méthode d’enseignement m’a aidée pendant toute ma vie.
Pendant l’aménagement du campement, nous devions attendre. Nous en avions profité pour aider l’une de nos sœurs plus vieilles, qui devait préparer et coudre des vêtements pour les autres. On m’a demandé, ainsi qu’à mes sœurs aînées, Juusippik, Nanurluk et Qablunaaq, d’aider notre sœur aînée. J’obéissais la plupart du temps. Je participais à la confection de chaussettes longues en tuktu pour Kajuruk, mon beau-frère. À son retour du campement, mon beau-frère m’a dit que mes coutures ne s’effilochaient pas. Elles étaient intactes. C’est ainsi que j’ai appris à coudre.
Souvent, les semelles de nos kamiik (bottes) finissent par s’user. Pendant un blizzard, alors que nous devions rester à l’intérieur de l’igloo, quelqu’un a remarqué que les semelles de mes kamiik étaient usées. On m’a dit que je les utilisais tellement pour glisser que les semelles étaient devenues usées, et que je devais les remplacer moi-même. Ce fut très difficile! J’avais environ neuf ans à l’époque où j’ai remplacé les semelles de mes kamiik. J’ai fait des erreurs dans le découpage du patron et la couture. J’en pleurais. Mais pleurer ne servait à rien. C’est ainsi que j’ai appris à coudre. Contrairement à ce que je pensais à cette époque, je n’ai pas grandi en étant ignorée et maltraitée. On m’a plutôt enseigné la bonne manière de coudre pour mon propre bien. Il est devenu évident pour moi que ces techniques étaient appropriées et utiles. Elles m’ont permis d’acquérir de solides compétences en couture, et j’en suis reconnaissante aujourd’hui.